Déclaration FSU au CSE

– 23 janvier 2020 –

 

 

Monsieur le Ministre,

Les personnels de l’éducation sont depuis décembre dernier, dans un mouvement social interprofessionnel, déterminés à lutter contre le projet de réforme des retraites. Les grèves lors des appels nationaux notamment les 5 et 17 décembre et le 9 janvier sont majoritaires dans la profession, voire donnent lieu à des taux de grévistes historiques par établissements et écoles. De nombreuses motions sont votées dans les universités (départements, facultés).

L’implication des personnels de l’éducation dans ce mouvement social est liée à plusieurs facteurs. D’une part, le rejet déterminé de la réforme des retraites et le refus du projet de société qu’il induit, profondément inégalitaire. D’autre part, l’exaspération professionnelle des personnels alimentée par des reformes imposées, des conditions de travail dégradées, une gestion managériale déshumanisée et un manque de reconnaissance qui s’illustre par l’absence de revalorisation salariale subie depuis des années.

La mobilisation de demain, 24 janvier, temps fort décidé par l’interprofessionnelle, montrera encore une fois la très forte détermination des personnels de l’éducation à demander le retrait de ce projet de réforme.

Cette réforme a cependant mis en lumière le problème de la faible rémunération des enseignant-es de l’école à l’université. Cette question n’est pourtant pas nouvelle et la FSU demande une nouvelle fois qu’elle soit déconnectée de la question des retraites. Elle demande une revalorisation rapide des salaires de tous les personnels de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur sans contrepartie.

Le budget 2020 est un véritable tour de passe-passe fait par votre ministère. Dans le premier degré, les 440 créations de postes affichées ne seront en fait qu’une application du principe des vases communicants, puisque c’est le nombre exact de postes supprimés dans le second degré. Cette dotation sera néanmoins insuffisante pour mettre en œuvre toutes les mesures annoncées de dédoublement et de limitation des effectifs.

Dans le second degré, 5 690 emplois auront été supprimés entre les rentrées 2018 et 2020 alors que les effectifs d’élèves auront augmenté de 99 300 sur la même période. Si le budget prévoit 440 postes en moins, les académies vont devoir répartir les moyens amputés de 820 suppressions : en effet, le ministère met en réserve plus de 350 postes pour « ajuster » les effets d’une imprévisible réforme du lycée. Dans l’enseignement professionnel public, en plus de DHG diminuées et de la multiplication des heures supplémentaires imposées directement ou indirectement par la mise en œuvre des dispositifs imposés (AP, Chef d’œuvre, …), le ministre répond aux difficultés de mise en œuvre de la transformation de la voie professionnelle par une multiplication de spots vidéo et d’injonctions pédagogiques.

Les reformes des lycées mal pensées, imposées et mises en œuvre à marche forcée par votre ministère désorganisent les établissements et mettent l’ensemble de la communauté éducative sous pression. Elles ont déjà de graves conséquences sur la qualité des enseignements dispensés, sur les conditions d’apprentissage des élèves et dégradent encore davantage les conditions d’exercices de l’ensemble des personnels de l’éducation.

Dans l’enseignement supérieur, le besoin d’un engagement budgétaire massif et volontariste de l’État pour les formations supérieures est criant pour l’avenir du pays.

Les rapports préalables au projet de loi de programmation pluriannuelle portent de nouvelles menaces de démantèlement des statuts tandis qu’aucun élément budgétaire n’a encore été communiqué. La FSU demande qu’une loi ambitieuse, notamment de programmation d’emplois statutaires dans tous les métiers, et d’investissements, prenne la mesure de l’urgence pour la relance de la démocratisation de l’accès et la réussite des étudiant-es

Vous venez de décider du report d’un an de la réforme de la formation initiale des enseignant-es. Cette mesure évitera dans un premier temps que les personnels chargés d’élaborer les maquettes de formation soient contraints de le faire dans des conditions qui ne permettaient pas de mettre en œuvre une formation universitaire et professionnelle de qualité. Cependant, la FSU réaffirme son opposition de fond à cette réforme : les questions subsistent et nécessitent d’engager une véritable réflexion collective pour améliorer la formation et répondre à la crise de recrutement qui s’aggrave. La formation initiale doit permettre de construire des compétences de professionnels experts et non pas se limiter à mettre en œuvre des consignes amenées à se succéder au gré des évolutions ministérielles. La FSU dit son opposition à des épreuves de concours qui privilégient la motivation aux dépens des connaissances. La FSU a toujours défendu la nécessité d’une formation initiale ambitieuse. La qualité du service public d’éducation en dépend. Ce report d’un an doit donc être l’occasion d’ouvrir de véritables discussions pour une remise à plat complète du projet du gouvernement.

Les personnels de Canopé se sont vus brutalement annoncer par le ministère, lors du conseil d’administration du 18 décembre dernier, le démembrement de l’opérateur public. Votre ministère décide d’une nouvelle restructuration sans aucun bilan ni aucune consultation des personnels annonçant un budget amputé de moins 47 ETP et moins 3,6 millions d’euros. Le projet ministériel relève d’un abandon des missions de service public et d’un détournement d’une partie de l’opérateur de ses missions d’intérêt général, pour les soumettre aux contingences d’une politique largement contestée par les personnels de l’éducation. La FSU réitère au ministre sa demande d’ouverture d’une concertation sur l’avenir de Canopé avec les organisations syndicales représentant les personnels.

Les décrets d’application de la loi avenir professionnel continuent à être publiés. La FSU fait le constat de la mise en œuvre du démantèlement de l’Onisep et ses délégations régionales. Le Ministère de l’Education nationale annonçait 55 suppressions d’emplois en 2020, la direction de l’office en a proposé 25 de plus dès la rentrée prochaine, et toujours 155 sur trois ans.  Les personnels et leurs représentants sont atterrés. La fin de certaines publications pourtant utiles aux élèves, parents et équipes pédagogiques est également annoncée comme le passage au tout numérique.

Concernant la réforme de l’orientation, le silence du ministre à propos du devenir du service public d’orientation de l’Éducation nationale est assourdissant. Pourtant la DGESCO travaille activement à partir des préconisations du rapport Charvet sur la certification en orientation des professeurs et des CPE, et votre ministère met en avant organismes privés et start-up. Dans les académies, les cartes cibles sont drastiquement revues à la baisse même quand les objectifs fixés au niveau national en 2015 ont été atteints. Le ministère de l’éducation nationale feint de ne pas voir que certains recteurs mettent en place des expérimentations maltraitantes pour les PsyEN et DCIO et dommageables pour l’accompagnement des élèves.

En cette nouvelle année 2020, la FSU formule le vœu que les personnels soient enfin entendus, que les organisations syndicales soient reconnues dans leur rôle de représentation des personnels, que les avis donnés en CSE puissent réellement servir à faire évoluer les projets de textes présentés par votre ministère. Elle formule le vœu aussi que vous arrêtiez de réformer le système éducatif à l’aune de l’idée que vous vous en faites, contre la majorité des personnels, des élèves et des étudiant-es et que les pressions et les injonctions exercées à plus haut niveau, s’arrêtent rapidement, pour que notre école et l’enseignement supérieur puissent retrouver la sérénité essentielle pour favoriser la réussite de toutes et tous.