Un peu plus d’un mois après l’assassinat de Dominique Bernard, la communauté éducative reste en deuil, frappée par la violence qui se déchaîne sur l’Ecole de la République. Nous avons le sentiment, comme après la mort de Samuel Paty, que, passés les réactions médiatiques et les temps de reccueillements, les difficultés que rencontrent les enseignants face aux divers fondamentalismes et extrémismes seront une nouvelle fois oubliées. Les risques s’accumulent autour des personnels : si le fondamentalisme islamiste, le seul à avoir été meurtrier pour le moment, est communément reconnu comme un danger, nous invitons également notre hiérarchie, et à travers elle nos dirigeants politiques, à ne pas sous-estimer les pressions et l’entrisme des fondamentalistes chrétiens, et par extension de l’extrême droite, dans l’Education Nationale. En ce sens, plusieurs organisations syndicales représentatives des personnels ont alerté récemment le ministère concernant les actions du réseau Parents Vigilants créé par le parti Reconquête d’Eric Zemmour. La tolérance institutionnelle pour ce réseau, autorisé à organiser un colloque au Sénat début novembre, nous alerte particulièrement. Nous rappelons ici que Parents Vigilants, depuis sa création en septembre 2022, s’est déjà rendu coupable de nombreuses dénonciations calomnieuses, de raids numériques et campagnes de harcèlement à l’encontre d’enseignants et de pressions sur des chefs d’établissement. Les méthodes nauséabondes et antirépublicaines de l’extrême droite ne peuvent cibler en toute impunité des personnels de l’Education Nationale. Nous invitons ainsi notre hiérarchie à prendre toutes les mesures nécessaires, de la demande de protection fonctionnelle aux actions juridiques, pour protéger les personnels qui en seraient victimes et dissuader ce type de réseaux de poursuivre leurs actions délétères, afin de garantir notre liberté d’enseigner.
En somme, c’est un soutien renforcé de l’institution dont les personnels de l’Education Nationale ont besoin. Le danger que l’Ecole ne puisse plus exercer sa mission sereinement n’est pas que dans la confrontation avec les radicalités qui irradient notre société. Les enseignants sont de plus en plus tenus pour responsables de l’échec scolaire d’élèves alors que le cadre familial joue souvent un rôle non négligeable dans les difficultés rencontrées en classe. Nombre de nos collègues sont confrontés à une violence quotidienne, se traduisant aussi bien par de l’insolence et un climat de classe hostile, des jets d’objets, des insultes, jusqu’à l’agression physique. Là encore, le sentiment perdure que l’institution mésestime ou amoindrit l’ampleur du phénomène. Si la reconnaissance salariale est un chantier indispensable pour rendre de nouveau le métier attractif, un travail conséquent sur les conditions de travail reste à faire. Nous vous dispensons ici des réflexions sur les effectifs de classe surchargés – pire situation en Europe – ou sur les entreprises de dénigrement politiques et médiatiques. Concentrons-nous sur ce qui est davantage du périmètre de la FS. Tout d’abord, nous n’avons pas de véritable médecine du travail, mais aussi, bien trop souvent, quand une situation intenable dans une classe perdure, les personnels sont délaissés, quand ils ne sont pas soupçonnés par leur hiérarchie d’être directement responsables de la situation. Nous avons à ce propos une pensée pour notre collègue du Tarn, confrontée dans sa classe à cette violence quotidienne que nous dénonçons et mise en cause par les services de la DSDEN au point de s’effondrer devant l’Inspection Académique après un entretien d’une dureté exceptionnelle. L’institution doit entendre que, quand les personnels sont poussés à bout, il n’est pas étonnant qu’ils craquent, et c’est, dans ce cas, l’employeur qui est responsable. La remise en question des méthodes managériales dans l’Education Nationale s’avère bien difficile, et pourtant elle est essentielle : ce sont aussi ces méthodes qui sont à l’origine d’une désaffection pour nos métiers et du nombre croissant de démissions et de reconversions. Que l’institution se saississe de manière générale à l’égard de ses personnels de la bienveillance dont les enseignants doivent eux-même faire preuve pour leurs élèves, et le mal-être constaté années après années dans la profession deviendra probalement plus léger : confrontés jours après jours aux maux de la société, les enseignants ne devraient jamais craindre de signaler à leur hiérarchie les problèmes rencontrés dans leurs classes.
Monsieur l’Inspecteur d’Académie, notre discours, s’il peut paraître alarmiste, ne relate pas moins une situation réelle. L’explosion des saisies RSST concernant les risques psycho-sociaux en témoigne, mais aussi, les ruptures conventionnelles et démissions, principalement les démissions de stagiaires dont les chiffres sont éloquents, et au-delà les discussions quotidiennes avec nos collègues et les situations que nous rencontrons dans nos propres classes. C’est aussi notre rôle en tant que représentants des personnels : porter à la connaissance de l’administration des situations auxquelles elle n’est pas directement confrontée, ou dont elle peine parfois à saisir les contours. L’alerte sociale lancée il y a deux jours par la FSU-SNUIPP s’inscrit dans cette démarche. Nous espérons que, maintenant que la nécessité d’un rattrapage salarial pour les personnels de l’Education Nationale est admise, une réflexion profonde et sincère sera menée sur les conditions de travail au sein de notre institution.